Laurent René Rio

Combien gagne un site Web ?

Peu de choses ont évolué depuis la rédaction de la première partie de cet article il y a 10 mois. La publicité du Web gênère toujours 0,0014 euros par visiteur et un site ne commence à couvrir ses frais d'exploitation qu'à partir de 2 millions de visiteurs mensuels. Dans cette seconde partie, nous nous concentrerons sur la vente de parrainage qui ressemble sous certains aspects à de la publicité. Nous étudierons ensuite la vente de produits grand public pour le compte de tiers, cas du comparateur de prix, de la boutique livrée clef en main et des liens produits contextuels. Et enfin nous examinerons la vente directe de produits détenus en propre qui implique la mise en place d'un service client ou d'une chaîne logistique. Nous nous poserons également la question de la pertinence de l'achat des mots clefs et constituerons un mode d'emploi pour décupler ses ventes tout en en déportant les frais commerciaux sur un réseau d'affiliés.

Le parrainage

Le principe du "parrainage" ressemble à celui de la publicité. Le Webmaster affiche sur son site une annonce présentant le produit de son sponsor avec une photo et une accroche commerciale ainsi qu'un lien vers le site vendeur. Il espère ainsi que l'un de ses visiteur cliquera sur l'annonce pour acheter les produits exposés. Une fois rendu sur le site du sponsor, l'internaute découvre l'offre complète et peut se constituer un panier d'achat ou remplir un formulaire d'inscription. Il lui est demandé de fournir son numéro de carte bancaire et son adresse email. Sur ces faits se déclenche la rémunération du filleul. Typiquement, la vente doit être immédiate. Car sitôt la fenêtre du navigateur du prospect fermée, adieu la commission ! Peu de sponsors se donnent la peine de consigner l'origine du prospect dans un cookie qu'il leur suffirait de lire au retour du prospect. Et de ceux qui prétendent le faire, une infime minorité le met en pratique. Soyons sérieux, pratiquement personne n'achète sur un coup de tête à sa première visite.

Comme dans le cas de la publicité, le taux de clic sur ce type d'annonces est compris entre 1 et 2%. De ces rares cliqueurs, moins de 10% maintiennent leur intérêt pour le produit au delà de la seconde page visitée sur le site sponsor. Au résultat, il faut en moyenne entre 1 000 et 2 000 visiteurs pour faire une vente de parrainage à condition que le produit soit en rapport étroit avec le contenu du site filleul. La rémunération consiste typiquement en un forfait compris entre 0,2 et 15 euros ou un pourcentage du chiffre d'affaire qui revient finalement strictement au même.* Pour les produits à faible taux de transformation, la prime tend à augmenter et vice-versa. Mais pour arriver à un rendement avoisinant les 1‰, il faut connaître les produits qui marchent, tester et corriger pendant plusieurs mois et ne garder que le meilleur. Et enfin, le webmaster présente les annonces de la manière la plus avantageuse possible en partie haute de ses pages Web.

* La fourchette donnée concerne la France. A produit équivalent, les annonces de parrainage rapportent entre 4 et 10 fois plus aux USA.

La représentativitié des chiffres suivants est corroborée par les rares témoignages des forums spécialisés. Dans cet exemple réel, qui concerne un ensemble d'annonces dans le domaine des jeux, le résultat est un gain moyen de 85 centimes par vente. Les chiffres représentent une performance typique telle que constatée lors des quelques jours qui ont précédé la rédaction de cet article.

40 000 visiteurs => 129 000 affichages => 618 clics => Taux de clic par visiteur de 1,55 % => 35 ventes => 30€ de revenu => 0,00075 € par visiteur.
Il faut donc 2,3 millions de visiteurs mensuels pour financer un SMIC sur la base d'une rentabilité de 0,00075 euro par visiteur (Smic + charges de 1740€ / 0,00075)

Une gestion serrée des annonces améliore les résultats de manière significative. Et les leviers à la disposition du webmaster sont multiples. Le "test", par exemple, permet de déterminer le succès d'une annonce avant de la diffuser à grande échelle sur l'ensemble des pages d'un site. Pour que l'essai ait une validité, il faut générer plusieurs milliers de clics et plusieurs ventes. Hors, ceci n'est pertinent que pour les grands sites pour qui quelques dizaines de milliers d'internautes ne représentent qu'une infime partie du trafic. Et le test prend également du temps, ce qui est incompatible avec la saisie d'une opportunité passagère. La fréquence d'affichage, l'emplacement sur la page, le contexte, le doublonnage avec une autre annonce... sont tous des paramètres qui influent sur la performance. Mais au fond, aucun temps passé à optimiser ne vaut s'il ne rapporte pas au moins ce qu'il coûte. Et l'optimisation étant très consommatrice de temps, ceci ne peut intervenir avant 1 million de visiteurs mensuels.

Cette piètre performance ne s'excuse pas mais elle s'explique. Du point de vue du sponsor, le parrainage n'a pas forcément pour objet de vendre et encore moins de permettre au webmaster de gagner sa vie. Souvent le sponsor ne fait aucun effort pour transformer le clic en argent comptant car ce n'est pas son meilleur intérêt. La "landing page", c'est à dire la page du site sponsor sur laquelle atterrit l'internaute, ne correspond pratiquement jamais à la page du produit de l'annonce. Ainsi, il revient à l'internaute de la chercher sur le site du sponsor et, chemin faisant, de découvrir un plus grand éventail de son offre. Le filleul croit vendre un produit tandis que le parrain ne vise que sa notoriété qui créera chez l'internaute le réflexe spontané de revisiter son site. Il s'agit dans ce cas d'une publicité déguisée, pour ne pas dire volée.

En termes d'analyse économique, deux hypothèses sont susceptibles d'expliquer cette exécrable rentabilité. La première serait que les prix payés aux webmasters reflétent le faible impact des annonces du Web sur le public. Hors, il se trouve que l'impact mesuré d'une publicité du Web donne des résultats équivalents à ceux de la télévision et des affiches du métro, meilleurs que les arrêts de bus, la radio et la presse écrite.* Sur cette base, un publiciste doit, lorsqu'il annonce en dehors du Web, débourser 160€ pour toucher 40 000 personnes avec cette même efficacité**, en contraste des 30€ ci-dessus. La seconde hypothèse consisterait à expliquer que les prix sont maintenus artificiellement bas. Comme nous l'avons déjà vu pour la publicité, le manque à gagner de 130€ du webmaster correspond précisément au prélèvement de l'annonceur-intermédiaire qui oscille entre 60 et 90% du revenu publicitaire total. Une concurrence accrue entre annonceurs serait donc la clef du problème. Car dans un marché bien huilé où la concurrence jouerait à fond et où aucun acteur n'imposerait sa loi, les créateurs de sites et gestionnaires de contenus se partageraient une mane de 70% du revenu. Mais pour l'heure les sites sont bâclés par faute de rentabilité.

* Etude Omniture 2007.
** Hypothèse de la diffusion d'un spot télé de 20 secondes à 12 000€ vu par 3 millions de télespectateurs, se situant ainsi tout en bas de la fouchette des prix constatés, hors frais de réalisation du spot publicitaire.

La vente directe

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L'achat de mots-clefs

Rédaction en cours

Créer un réseau d'affiliés

Rédaction en cours

Transformer le rêve en profit

Il se passe rarement une semaine sans qu'on me rapporte une ou deux nouvelles histoires de fortunes construites grâce au Web.

- « Y a un gars qui a un forum qui marche du tonnerre de Dieu avec 10 000 visiteurs par jour. Il se fait entre 5000 et 7000 € par mois rien qu'en affichant de la pub ! »...

Cette histoire est une fiction sortie de l'imagination d'un rêveur. Pour gagner 5000 euros honnêtement sur le Web, il faut en dépenser 7000. Et avec ses 10 000 visiteurs / jour, ce webmaster gagne au mieux 10 € / jour x 30 jours = 300€ / mois.

Le Web a créé moins de fortunes que pratiquement n'importe quelle autre activité économique. Pourtant, 7 ans après le dégonflement de la bulle Internet, les webmasters s'accrochent au mythe de la ruée vers l'or et continuent à courir les fantômes. C'est sur cette base que des dizaines d'entrepreneurs investissent à fonds perdus dans des start-ups qui n'apparaissent dans aucun résultat des moteurs de recherche et qui resteront totalement inconnues du public à jamais. J'ai pu visiter les locaux de l'une d'elles il y a quelques jours. Logée dans un grand appartement d'un quartier cossu de Paris où s'entassent une quinzaine de développeurs, dont une moitié de stagiaires rémunérés au lance-pierre, le chef d'entreprise m'explique son plan des plus simples : Gagner des millions ! L'ingénuité des entrepreneurs du Web est ainsi assez bien résumée.

En revanche, renseignement vérifié, l'histoire suivante est tout à fait vraie :

- « J'ai un copain qui gagne entre 1000 et 1500€ par mois en vendant de la musique sur le Web. »

L'astuce se passe de site Web. Elle consiste à pirater des CDs et à les proposer sur les plus grands sites de vente aux enchères au quart du prix du marché. Il pourrait en coûter 2 ans de prison fermes et 1 million d'euros d'amende à ce génial businessman !

La réflexion suivante a également des chances d'être vraie :

- « Un webmaster a vendu son site des millions de dollars à un grand groupe. »

Ce genre d'opérations financières a concerné en France moins de 10 cas sur un parterre de plusieurs centaines de milliers de sites. Et la dernière du genre date de deux ans. Au bilan des 5 dernières années, les sommes englouties dans le Web ont de très loin dépassé la création de valeur cumulée.

Récemment, un site qui se voulait être au départ le concurrent français du site Amazon et qui, en dépit de tous ses appuis dans les milieux de la presse, n'a jamais généré un seul trimestre bénéficiaire en 7 années d'existence, a été racheté pour une bouchée de pain par Double Click, l'un des plus grands annonceurs au monde. L'emploi du dirigeant fondateur a été maintenu, son salaire explosé, l'acquéreur s'est pourvu d'une compétence prouvée et l'affaire a été savament médiatisée. Mais cette success story ne concerne que l'individu, pas sa start-up.

Les mythomanes et rêveurs servent l'intérêt des marchands de rêve qui prospèrent sur le Web. Ce sont les référenceurs, les hébergeurs et les annonceurs. Leur intérêt commun est de faire croire que le Web abonde d'affaires juteuses afin de motiver le client potentiel à créer un site. Il achète un domaine, le fait héberger et se laisse tenter par une prestation de référencement sensée sceller sa célébrité à jamais. Puis il ouvre un compte chez un annonceur ou directement chez un sponsor pour en afficher les publicités et offres parrainées sur ses pages.

J'ai récemment vu les statistiques de visites et de vente d'une telle start-up 2 mois après l'achat d'une prestation de "référencement Deluxe" et son logiciel associé à 1200€ / domaine : 9 visiteurs par jour. Mais parce qu'il s'agit des stats de l'hébergeur, elles sont forcément inflatées. Le nombre réel se situe plutôt entre 3 et 5 visiteurs par jour. Sans surprise, son CA est de 0. Car il faut 2 millions de visiteurs mensuels ne serait-ce que pour financer un malheureux SMIC. Pour cet entrepreneur en sites web, il faudra plus d'un millénaire pour atteindre le seuil déclencheur du paiement de ses gains fixé par l'annonceur à $100.

La citation suivante concerne la vente directe de produits grands publics. Le responsable informatique d'une très grande association française liée à la sécurité civile qui commercialise aussi des produits destinés aux particuliers m'a confié tout récemment, pêle-mêle :

- « Notre site de vente en ligne a 3 ans d'âge et notre équipe est constituée d'un informaticien et d'un graphiste à plein temps. Nous cherchons à renforcer l'équipe. »
- « Le budget de la société de service à qui nous avions confié ce projet de 115 000€ est épuisé. Il est urgent de déboguer l'application. »
- « Il nous reste à mettre en place la prise de commande et à automatiser la mise en ligne des produits en remplacement de 3 secrétaires commerciales à plein temps. »

Comme beaucoup d'autres, cette association a cru qu'il suffisait de se baisser pour ramasser l'argent du Web. Il sont des milliers dans son cas à avoir découvert qu'on ne s'improvise pas webmaster. C'est un métier exigeant qui requiert cinq compétences indissociables : informatique, graphisme, marketing, organisation et finance. Ce à quoi il faut rajouter une expertise dans le domaine traité, des qualités rédactionnelles indéfectibles et, recommandée, la parfaite maîtrise d'une ou plusieurs langues étrangères.


Vous avez lu cet article et votre moral est intact !
Vous êtes peut-être un webmaster en puissance.

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